L’apparence physique a-t-elle un impact sur le #recrutement ?

« Je ne crois que ce que je vois
Je vois ce que je regarde
Et je regarde ce que je veux »

Comme toute perception, celle d’autrui est rarement totalement objective. Le percevant joue un rôle actif. Afin de répondre au mieux à notre problématique, je vais vous présenter un ensemble de concepts étudiés en psychologie sociale.

L’image de Jastrow :

Regardez attentivement cette image, que voyez-vous ? Un lapin ou un canard ?
Duck-Rabbit illusion

L’image de ou illusion du canard – lapin est une image ambiguë montrant, selon notre capacité perceptive, une tête de canard ou une tête de lapin. Cette image est réversible et bistable, c’est à dire que l’on peut voir alternativement l’un ou l’autre mais jamais simultanément les deux.

En 1993, Brugger et Brugger demandent à des enfants, en visite au zoo de Zurich, ce qu’ils voient sur l’image. Ils répéteront l’expérience deux fois dans l’année : en octobre et en avril (plus précisément à la période de Pâques). Les auteurs observent des résultats significativement différents entre les deux périodes :

  • En octobre, 85% des enfants voient un canard, et moins de 10% un lapin.
  • En avril, 80% des enfants voient un lapin, contre 15% un canard.

Cette expérience permet de mettre en évidence le rôle actif du percevant selon une période donnée. Pour aller plus loin dans notre analyse, je vais vous présenter un ensemble d’études réalisées dans le domaine de la psychologie sociale.

Catégorisation sociale et Théories Implicites de la Personnalité (TIP) :

De nos jours, les informations submergent notre quotidien, entrainant une surcharge informationnelle et une capacité intentionnellement limitée à tout traiter. Afin de nous protéger, nous mettons en place un processus de simplification : la catégorisation sociale. Ce processus a été mis en avant en 1978 par le psychologue social Henri Tajfel.

Selon lui:

La catégorisation sociale est « un processus qui tend à ordonner l’environnement en terme de catégories ».

Celle-ci à quatre fonctions principales :

  • Une fonction de simplification : nous sommes capables de mémoriser 7 paquets d’informations maximum en sollicitant notre mémoire à court terme (7 lettres ou 7 chiffres ou 7 phrases…).
  • Une fonction de facilitation à la mémorisation.
  • Une fonction d’accès aux connaissances.
  • Une fonction de guide de l’action.

En psychologie sociale, un autre concept est mis en évidence dans le traitement de l’information : les théories implicites de la personnalité (TIP). Ces théories ont trait à l’organisation des connaissances d’une personne et de sa personnalité. En outre, il s’agit de l’ensemble des croyances à propos de la fréquence et de la variabilité d’un trait de personnalité et de sa liaison avec d’autres traits. Ces théories font écho à la notion de stéréotype.

Il existe trois types de théories implicites de la personnalité (TIP) :

  • TIP basées sur les caractéristiques physiques.
  • TIP basées sur les traits de personnalité.
  • TIP basées sur l’appartenance de groupe.

Pour répondre à notre problématique : l’apparence physique a-t-elle un impact sur le recrutement ?, nous nous intéresserons uniquement aux TIP basées sur les caractéristiques physiques.

TIP et caractéristiques physiques :

a) « Ce qui est beau est bon »

En 1991,  supposent que les personnes attractives sont jugées plus positivement. Pour tester leurs hypothèses, les auteurs confrontent leurs sujets à quatre photographies d’individus (respectivement deux hommes et deux femmes) jugés attractifs ou non-attractifs. Les sujets doivent alors évaluer si l’individu est perçu comme sympathique, attirant et digne de confiance.

De cette expérience découle une méta-analyse :

  • Plus les personnes sont belles, plus elles sont perçues positivement.
  • Plus les personnes sont belles, plus elles sont jugées socialement compétentes.
  • Plus les personnes sont belles, plus elles sont estimées intelligentes.
  • Plus les personnes sont belles, plus elles sont supposées intègres.

b) « Ce qui est laid est puni »

En 1979, Berkowitz et Frodi cherchent à mesurer l’intensité de la punition en fonction de l’apparence physique et du débit vocal. Pour cela, les auteurs établissent quatre conditions :

  • Enfant « laid » et bégayant.
  • Enfant « laid » et élocution normale.
  • Enfant « beau » et bégayant.
  • Enfant « beau » et élocution normale.

On observe une différence d’environ 2 points dans l’intensité de la punition infligée à un enfant beau bégayant et à un enfant enlaidi bégayant.

Résultats expérience

L’apparence physique a-t-elle un impact sur le recrutement ?

Un testing a révélé qu’à CV égal, un candidat présentant une photographie moins flatteuse que le candidat de référence reçoit 33 convocations à un entretien d’embauche, contre 75 pour le candidat de référence. Un physique plus agréable jouerait donc en faveur des candidats.

En 1994, Pingitore et al. tendent à démontrer l’influence du poids du candidat sur le processus de recrutement. Pour cela, les auteurs simulent un entretien d’embauche identique avec le même candidat (CV et lettre de motivation similaires) en ne modifiant que l’apparence physique du celui-ci :

  • Premier cas : candidat ayant un poids moyen.
  • Deuxième cas : candidat étant 20% au-dessus du poids moyen (poids manipulés par des prothèses rajoutés au candidat).

Les auteurs observent une perception moins favorable dans le deuxième cas, le candidat est perçu moins « recrutable » par les entreprises. L’ensemble des expériences décrites dans ce billet de blog illustre donc le fait que l’apparence physique d’un individu influence le processus de recrutement.

Sources :

  • Google Glass : l’entretien d’embauche – YouTube : « http://ow.ly/DOF7P »
  • Effects of the « What is Beautiful is Good » stereotype on perceived trustworthiness : « http://ow.ly/DOH4B »
  • Reactions to a child’s mistakes as affected by her/his looks and speech : « http://ow.ly/DOHyM »
  • Bias against overweight job applicants in a simulated employment interview : « http://ow.ly/DOIhI »

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Aurélie ThomasAurélie Thomas
Chargée de communication et de marketing (stagiaire) chez SpotPink. Je suis actuellement une licence de psychologie à l’Université Paris Descartes. Les sciences humaines et l’impact des actions humaines sur l’environnement m’intéressent particulièrement. Par ailleurs, je consacre une grande partie de mon temps libre au cinéma et à la photographie.