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L’auto-efficacité et ses applications en entreprise

auto-efficacité

Qu’est-ce que l’auto-efficacité ?

L’auto-efficacité ou le sentiment d’auto-efficacité personnelle (Bandura, 2002)[2] se traduit par la croyance d’un individu en ses propres capacités à organiser et/ou exécuter des tâches, actions, buts.

L’auto-efficacité est reliée à la motivation dans le sens où elle va conditionner l’engagement de l’individu dans une action, activité ou but de celui-ci. Si l’individu croit en ses capacités et compétences personnelles, alors il sera plus apte à fournir les efforts nécessaires pour les mettre en action.

L’auto-efficacité est une composante importante dans des modèles liés à la santé et à la prévention puisqu’elle permet une prédiction plus élevée de l’accomplissement du comportement.
Citons par exemple :

  1. Le modèle de la Théorie du Comportement Planifié (TCP) (Ajzen & Fishein, 2000)[1], impliquant le « contrôle comportemental perçu » de l’individu comme prédicteur de l’intention comportementale (c’est-à-dire si l’individu se sent capable d’effectuer le comportement voulu ou non). Ici, le contrôle comportemental se rapporte au concept d’auto-efficacité.
  2. Le modèle de la Théorie de la Motivation à la Protection (TMP) (Rogers, 1975)[6], dans lequel l’effet de la variable de « self-efficacy » joue également un rôle sur la probabilité de l’exécution du comportement, et/ou de la modification d’un comportement dangereux pour la santé.
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L’auto-efficacité dans l’entreprise :

Selon des données références de Laurent Lesnard publiées sur l’INSEE en 2006[5], les entreprises demandent aux salariés d’être de plus en plus polyvalents et flexibles pour ce qui concerne l’organisation, les conditions de travail et le temps de travail.

Si la satisfaction et la fidélisation des clients contribuent de façon significative à la performance des entreprises, la fidélisation de leurs salariés peut, quant à elle, constituer un avantage concurrentiel pour l‘entreprise lorsqu’elle est une conséquence de l’attachement professionnel, de la motivation, de l’implication et de l’engagement dans le travail.

Par ailleurs, dans la plupart des entreprises, il est beaucoup plus économique de fidéliser ses salariés que de compenser le turnover par de nouvelles embauches.

Le rôle du sentiment d’efficacité personnelle sur la fidélisation des salariés :

« La fidélisation est l’action volontaire de l’entreprise de mettre en place un environnement qui maintienne durablement l’attachement de ses salariés à elle-même ». (Chaminade, 2004)[3].

Comment permettre aux salariés d’éprouver ou d’augmenter leur sentiment d’auto-efficacité dans le cadre professionnel ?

  1. QVT et Bien être

La Qualité Vie au Travail et le bien être au travail sont des conditions essentielles pour que le salarié accède à un meilleur sentiment d’auto-efficacité dans le cadre professionnel.

Quelques points déterminants de la QVT : de bonnes relations sociales au travail, un bon épanouissement professionnel, un équilibre satisfaisant entre vie personnelle et professionnelle, un environnement de travail adapté, etc.

Le bien-être au travail requiert un niveau acceptable de stress lié au travail, une bonne santé mentale et physique du salarié, des conditions de travail satisfaisantes pour ce qui concerne la sécurité, le respect des temps de travail afin d’éviter l’épuisement professionnel, etc.

Dans le cas du respect du droit à la déconnexion et du télétravail, les managers ont un rôle significatif à jouer en termes d’exemplarité.

Certaines entreprises mettent en place des initiatives intéressantes pour mieux concilier la vie professionnelle et la vie privée de leur salariés. Par exemple, elles mettent à disposition une conciergerie (avec des services à la personne, services de santé, d’entretien, de beauté ou de livraison, garde d’enfants, etc.), ou des espaces collaboratifs/silencieux sur le lieu de travail, des groupes de soutien, des salles de sport/fitness/musique, espace de jardinage, etc.

En revanche, le recrutement d’un CHO (Chief Happiness Officer) et/ou la mise à disposition de jeux (pingpong, babyfoot…), sont des pratiques insuffisantes qui peuvent même paraître artificielles voire manipulatoires.
Il est important en effet de ne pas confondre « bonheur au travail » et « bien-être au travail ». (Voir Le Bien-être au travail n’a rien a voir avec le bonheur au travail »). Le « bonheur » au travail étant un concept marketing qui n’a pas de sens dans une démarche liée à la QVT.

L’entreprise doit faire preuve d’éthique, s’engager avec bienveillance et aussi afficher une volonté réelle d’agir sur le bien-être de ses salariés, si elle souhaite véritablement fidéliser ceux-ci.

La reconnaissance du travail est également un point important pour améliorer le sentiment d’efficacité personnelle. Ainsi, les feedbacks positifs ou constructifs peuvent permettre d’encourager l’autonomie et la prise d’initiative, qui a leur tour, renforceront le sentiment d’efficacité personnelle.

L’efficacité de l’entreprise étant directement liée au bien-être des salariés, l’auto-efficacité du salarié pourra se développer si la QVT et le bien-être au travail sont de véritables préoccupations affichées dans l’entreprise.

  1. Engagement et fidélisation :

Comment mettre l’auto-efficacité au profit de l’engagement et de la fidélisation des salariés ?

Comme précédemment évoqué, l’engagement et la fidélisation des salariés sont bien souvent le résultat d’une démarche QVT et de l’augmentation du sentiment d’auto-efficacité des salariés.

Ainsi, pour développer cette dernière, il est utile de satisfaire les besoins qui sont à la base de la théorie de l’autodétermination (Deci et Ryan, 1985)[4].

C’est-à-dire la satisfaction des besoins :

  • d’autonomie: se sentir libre de faire des choix et de pouvoir prendre des décisions.
    Comment ? Par exemple, en permettant aux salariés une gestion de leur propre organisation, de disposer d’une marge de décision personnelle dans leur travail, etc.
  • de compétence : pouvoir appliquer ses compétences au travail et se sentir efficace dans ses tâches et buts professionnels.
    Comment ? En permettant aux salariés d’acquérir des compétences et de mettre à profit celles déjà présentes. Par le biais d’encouragements, de la reconnaissance professionnelle, ou de formations complémentaires pour pouvoir atteindre de nouveaux objectifs, par exemple.
  • d’appartenance sociale : sentiment d’appartenance à un groupe, avoir des contacts sociaux instructifs.
    Comment ? En valorisant les échanges entre collègues, la communication interne, et les projets menés en groupe.

En bref, si ces besoins sont satisfaits, la probabilité est plus forte que l’engagement et la fidélisation des salariés augmente.

La théorie de l’autodétermination est complémentaire à celle de l’auto-efficacité :

Les composantes de l’autodétermination apportent de l’auto-efficacité à l’individu.

C’est à dire que si un salarié voit ses besoins satisfaits (mettre ses compétences professionnelles à profit, se sentir utile à l’entreprise, disposer d’un minimum d’autonomie dans ses activités et éprouver un sentiment d’appartenance à (un groupe de) l’entreprise, alors, son auto-efficacité et sa motivation ont plus de chance d’être élevées, et il va de même pour son engagement et sa fidélisation.

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Pour mesurer l’auto-efficacité générale des salariés, il est possible de faire passer à ceux-ci des échelles. Par exemple, Bandura (2006) a conçu des échelles pour évaluer l’auto-efficacité perçue (niveau et force de la croyance de l’individu à effectuer des activités en fonction de différents types de tâches) dans lesquelles les personnes évaluent de 0 à 100 leur confiance à exécuter un comportement.

Il est possible d’adapter ces échelles à l’entreprise et de proposer des items tels que :

  • « Je me sens capable de résoudre des problèmes liés au travail par moi-même ».
  • « Je me sens compétent(e) à exécuter de nouvelles taches dans mon travail ».
  • « J’ai confiance en ma capacité à prendre des décisions ».
  • Etc.

Bibliographie, sources et liens utiles :

  • [1] Ajzen, I., & Fishbein, M. (2000). Attitudes and the attitude-behavior relation: Reasoned and automatic processes. In W. Stroebe & M. Hewstone (Eds.), European Review of Social Psychology, pp. 1-33.
  • [2] Bandura, A. (2002). Auto-efficacité : Le sentiment d’efficacité personnelle [tr. de Self-efficacy : The exercise of control,1997]. Liège : De Boeck.
  • [3] Chaminade, B. (2004). Fidélisation et nouvelle réglementation de la formation. Laboratoire RH FOCUS.
  • [4] Deci, E. L., & Ryan, R. M. (1985). Intrinsic Motivation and Self-Determination in Human Behavior. New York: Pantheon.
  • [5] Lesnard, L. (2006). Flexibilité des horaires de travail et inégalités sociales. Données sociales : La société française – Édition 2006, Insee, 2006, pp.371-378
  • [6] Rogers, R. W. (1975). A protection motivation theory of fear appeals and attitude
    change. The Journal of Psychology, 91, 93-114.
  • Bandura, A. (2006) Guide for Constructing Self-Efficacy Scales. In Pajares, F. and Urdan, T.S., Eds.,SelfEfficacy Beliefs of Adolescents, Age Information Publishing, Greenwich, pp. 307-337
  • Colle, R. (2010). Le rôle du sentiment d’autodétermination dans la fidélisation des salariés. Thèse pour l’obtention du doctorat en sciences de gestion, Université Paul Cézanne Aix-Marseille III, 2006. « http://passionrh.free.fr/these.pdf »>http://passionrh.free.fr/these.pdf
  • Lecomte, J. (2004). Les applications du sentiment d’efficacité personnelle. Savoirs, hors série,(5), 59-90. doi:10.3917/savo.hs01.0059.
  • Meyer, T. & Verlhiac, J. (2004). Auto-efficacité : quelle contribution aux modèles de prédiction de l’exposition aux risques et de la préservation de la santé ?. Savoirs, hors série,(5), 117-134. doi:10.3917/savo.hs01.0117.

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Auteure de cet article :

Alice Denhez

Alice Denhez

Etudiante en Master 1 de Psychologie sociale appliquée à l’Université Paris Nanterre. En stage chez SpotPink en tant que Psychologue Stagiaire, les domaines liés à la santé en psychologie comme le bien être au travail et la prévention des risques psycho-sociaux m’intéressent particulièrement. Je suis de nature optimiste et j’apprécie le travail de groupe avec un bon esprit d’équipe.