#marketing #digital: apports de #psychologie sociale
Introduction
Avec l’évolution des nouvelles technologies, la démocratisation des outils numériques, une nouvelle forme de marketing est apparue. Depuis les années 2000, l’ère numérique est bel et bien installée et, les acteurs de la communication exploitent avec raison les nouvelles possibilités offertes par cette branche de la discipline marketing. En effet, les techniques et les outils y afférents sont tout autant appropriés à la sphère professionnelle de l’individu qu’à ses enjeux personnels ou privés. La dominance du numérique implique donc bien une adaptation des professionnels de la communication et du marketing.
Le marketing dit « digital » concerne
« tous les outils interactifs digitaux pour promouvoir les produits et services dans le cadre de relations personnalisées et directes avec les consommateurs« (1).
Le marketing digital serait donc l’atteinte des objectifs marketing globaux, par l’utilisation des outils numériques.
Les apports et les limites du marketing digital
La caractéristique de la communication digitale repose sur le fait qu’elle regroupe tous les objectifs visés par la communication : l’image, la notoriété (branding) et la performance. Ceci est notamment dû à la variété des formats de présentation du marketing digital (écrit, bannière, vidéo, photographie…).
Le marketing digital est de plus en plus privilégié par les professionnels car il est rapide et moins coûteux que d’autres formes de marketing. En effet, l’économie de temps se réalise sur le fait qu’il n’y a pas d’intermédiaire entre la marque et le client, c’est un marketing direct. Au niveau financier, le marketing digital offre une économie d’argent car les seuls coûts seront l’accès à la base de données, les coûts indirects liés à cette même base de données et, enfin les coûts de création du message. Ce marketing permet également un puissant ciblage du consommateur, susceptible de procurer, une fois encore, un gain de temps.
Enfin, l’avantage majeur du marketing digital est l’interactivité qu’il propose. En effet, le consommateur n’est pas uniquement appelé dans un but de consommation mais aussi dans une optique participative. Ce type de marketing exploite les phénomènes de diffusion de l’information de telle sorte que le client contribue lui-même à la publicité du produit/service. De ce fait, chaque consommateur est incité à développer le bouche-à-oreille (buzz) ou encore à contribuer au marketing viral de la marque. L’implication du client fait donc partie de la stratégie commerciale développée dans le marketing digital.
Du point de vue du consommateur, le marketing digital possède un atout majeur dans sa présentation ; il peut-être personnalisé (ciblage). Ainsi, la probabilité de porter un intérêt au produit/service proposé est plus importante.
Mais la caractéristique la plus efficace dans la communication digitale est son accessibilité. Grâce à la diversité des moyens technologiques de l’information (smartphone, tablette, portable,…), l’information est quasiment disponible partout et tout le temps, permettant des achats plus rapides et faciles.
Le traitement de l’information de l’individu
La catégorisation sociale
Confronté à une information, l’individu effectue un traitement. Celui-ci peut être en profondeur (c’est-à-dire réfléchi, conscient) ou superficiel (inconscient). Quelle que soit la direction du traitement, la psychologie sociale considère que cette information suit une loi de catégorisation sociocognitive. Cela signifie que l’individu met en place un processus de catégorisation qui consiste à hiérarchiser et à mémoriser les informations en créant des liens inférentiels (rapprochements entre plusieurs informations provenant de catégories différentes) en mémoire. Le processus de catégorisation sociocognitive va donc permettre à l’individu de classer les différentes caractéristiques du produit, afin de s’en faire un avis.
Sans ciblage particulier, le marketing digital permet à l’annonceur de toucher une large audience en une seule action et, par la simple diffusion d’un message la marque pourra faire l’objet d’un traitement cognitif par ses différentes cibles (cf. objectif d’obtention du plus grand nombre d’impressions potentielles).
Cependant, nous pouvons envisager une limite à cette technique d’exposition massive qui est associée à la recherche de viralité.
L’information traitée est automatiquement et systématiquement mise en relation avec les croyances de l’individu. Or, actuellement, la croyance que l’internet est un média impersonnel (car dénué de contacts humains directs autres que virtuels), est répandue. L’information catégorisée pourra alors prendre un aspect négatif pour l’individu qui possède cette croyance.
L’entreprise doit donc user de stratégies pour éviter cette conséquence lors du traitement de l’information. Pour cela, le marketing digital s’emploie à utiliser le processus d’engagement.
L’engagement
« L’engagement correspond, dans une situation donnée, aux conditions dans lesquelles la réalisation d’un acte ne peut être imputable qu’à celui qui l’a réalisé. »(2).
Pour appliquer ce processus, le marketing digital cherche à faire partager ses produits/services sur les réseaux sociaux par les clients. La marque pourra ainsi bénéficier du réseau du client pour se faire valoir auprès de la communauté de celui-ci. L’objectif est ici d’utiliser la stratégie du bouche-à-oreille et la recommandation, comme amplificateurs de son objectif de notoriété.
Le principe de l’engagement repose donc sur l’implication de l’individu dans le processus de partage de l’information. Une fois l’information partagée, le retour en arrière du sujet est fortement improbable compte tenu de la recherche de cohérence psychologique inhérente à une majorité d’individus.
En effet, par le partage de la marque auprès des membres de son réseau social, l’individu implique sa propre image et, lie son identité à cette marque. Il met donc en jeux sa réputation au sein de son cercle social et, sera désormais plus attentif à la notoriété de la marque (car plus engagé).
Ainsi, pour éviter de ressentir une certaine dissonance cognitive*, l’individu pourrait adapter ses croyances et ses comportements à la marque. A travers le processus d’engagement dans lequel le sujet s’est impliqué, il devrait ressentir le besoin de répondre au niveau « attitudinal » et comportemental, conformément à ses actions antérieures. La marque tiendrait alors une place plus importante dans la mémoire de l’individu, de telle sorte qu’il y sera plus sensible. De même, ses comportements et attitudes futurs seront affectés par cette prise de décision d’engagement et l’individu.
Mais, l’image que les autres ont de nous et nous renvoient, impacte celle que l’on a de soi. En conséquence, si les autres en venaient à discréditer la réputation de la marque dont on s’est fait l’ambassadeur, cela influera logiquement, tant la perception de soi, que celle de la marque. En ce cas, il est probable que l’individu s’abstienne alors à l’avenir de recommander publiquement ladite marque. Il limitera ainsi l’inconfort de la dissonance cognitive.
Les techniques d’engagement sont très utilisées en marketing digital car elles permettent de sonder, de fidéliser et d’élargir la clientèle. Voila pourquoi le taux d’engagement des réseaux sociaux est un bon indicateur de l’image de l’entreprise et de sa notoriété. En marketing digital, il se calcule sur la base de différents critères (nombre de likes, nombre de posts, nombre de partages…).
Pour créer de l’engagement, les marques s’appliquent à utiliser différentes techniques de communication.
Dans cet exemple, le community manager de @Velib a décidé d’utiliser l’humour pour promouvoir son entreprise. Nous pouvons constater que ce tweet a suscité 335 retweets, c’est-à-dire que 335 personnes se sont engagées, par leurs partages, dans le processus de diffusion. Par l’humour, la marque a su montrer une image positive, permettant ainsi à des cibles potentielles de se reconnaître voire de s’identifier à celle-ci.
Le taux d’engagement, plus largement le ROI (retour sur investissement), permet à la marque non seulement de constater son évolution de popularité sur les réseaux sociaux, d’accroître sa liste de clients potentiels et, d’adapter ses stratégies marketing.
Toutefois, le ROI ne constitue pas un outil totalement fiable dans le sens où ses critères sont larges et différents selon les réseaux sociaux.
C’est pourquoi, Paul Cordina(3) préfère parler de ROI Social.
A ce terme, correspondent d’autres mesures telles que :
- La visibilité (part de voix, nombre d’impressions, vues, profil démographique).
- L’acquisition (quantité, coût, conversions).
- La recommandation (Net Promoter Score, taux de viralité, partages…).
- L’engagement (taux d’engagement).
- La tonalité (mentions positives, neutres, négatives).
En d’autres termes, l’aspect participatif du marketing digital permet à la marque de développer sa liste de clients potentiels, en impliquant directement les clients cibles (prospects). De ce fait, la marque bénéficie d’une publicité gratuite en temps, et en énergie dépensée.
Quels facteurs incitent à l’engagement chez l’individu ?
La nouveauté/la rareté de l’information
Plus une information est perçue comme étant rare, plus elle aura de valeur aux yeux de l’individu. De ce fait, elle sera plus facilement relayée sur les médias sociaux. La perception de l’exclusivité de l’information la rendra d’autant plus désirable qu’elle permettra à l’individu, en la rendant publique, d’influer sur sa propre réputation.
La proximité
Plus un message ou la source de ce message sera perçu comme proche de la cible, plus il sera traité avec intérêt. La proximité entre l’émetteur et le récepteur jouera un rôle dans la perception de l’information : plus la cible sera proche, plus elle s’identifiera à la source et ainsi, au message. Ce mécanisme d’identification favorisera, ou non, l’engagement sur les réseaux sociaux.
La preuve sociale
Lorsqu’un message est partagé par un grand nombre de personnes, l’individu extérieur supposera que ce message est véritable. La légitimité attribuée au message par l’adhésion d’une masse contribue au conformisme, c’est à dire à la « tendance des individus à se conformer aux usages, à accepter les manières de penser ou d’agir du plus grand nombre, les normes sociales« (4).
Dans le cas de notre exemple ci-haut, le message comporte ces trois principes sous fond d’humour. Il est peu courant qu’une entreprise réponde à un tweet d’un particulier (du moins si elle n’est pas directement sollicitée). Cela répond au principe de rareté. Le ton et le langage (pas de majuscule, point d’exclamation) utilisés impliquent quant à eux, la proximité à la cible. La preuve sociale vient renforcer le message en incitant à cliquer sur le retweet. Face à un message déjà très largement partagé, les individus oseront davantage à le retweeter. La preuve sociale amène donc l’effet « boule de neige », c’est-à-dire couramment appelé le « buzz ».
Le digital bouscule les codes du marketing
Sur les médias sociaux, les entreprises sont publiquement, entre-elles, en concurrence. Pour se distinguer, elles usent de créativité et mettent l’accent sur leur capacité à innover et, à se réinventer chaque jour.
Ce qui a déjà été vu ou fait par d’autres (y compris les plus beaux succès) est proscrit pour se faire remarquer singulièrement et valablement. Compte tenu du caractère éphémère du message, le renouvellement doit s’effectuer de façon constante, et par des professionnels qui connaissent les attentes et les évolutions du domaine. Or, l’internaute est exposé à ce type de messages continuellement par de nombreuses marques et devient donc progressivement de plus en plus expert et exigent. Les entreprises doivent perpétuellement s’adapter, toujours plus rapidement et, tout en proposant un contenu à la fois neuf et créatif.
Sur les médias sociaux, 2 clans sévissent, et parfois se mélangent dans une dynamique de compétition inter-groupes :
- les individus en nom réel ou anonyme, et les trolls,
- les entreprises et les marques.
Différentes théories psychosociales viennent éclairer la formation de la compétition et ses enjeux. Shérif (1954) a mis en lumière l’importance du sentiment d’appartenance au groupe dans un contexte de compétition. Ses expérimentations ont permis de mettre en avant des comportements négatifs, en situation de compétition, à l’égard de l’exogroupe (le groupe auquel l’individu n’appartient pas).
Au fur et à mesure du temps, la violence (verbale et physique) des sujets s’amplifiait. Sans intervention externe, l’escalade de la violence et la discrimination négative de l’exo-groupe ne cesse de s’accroitre. Mis en lien avec la théorie de l’identité sociale (Tajfel et Turner, 1986) qui considère que l’identité personnelle est constructive des groupes, la compétition implique un plus grand sentiment d’appartenance au groupe lorsque l’identité est proche des valeurs du groupe.
Celui-ci s’en trouve renforcé par le rejet de l’exogroupe. D’un point de vu plus actuel, Yamagishi et al (2008) ont vu en l’interaction sociale « généralisée »(5) de nos sociétés actuelles une stratégie luttant contre l’exclusion. L’individu tenterait d’appartenir au groupe « général » pour rester dans la norme sociale, ne pas être marginalisé de la société. Le groupe fait donc partie intégrante de l’identité de l’individu et les conséquences de non respect du groupe pourrait fragiliser socialement l’individu.
Mal coordonnée, la compétition peut donc avoir comme conséquence la rupture sociale entre les deux parties. Toutefois, une compétition maîtrisée est un levier productif à la marque et, permet des meilleures ventes. C’est pourquoi les marques entretiennent la compétition tout en la contrôlant par différentes techniques, comme ci-dessous.
En misant sur l’aspect ironique de la compétition entre marques, les community managers de ces entreprises parviennent à dédramatiser l’enjeu commercial de la marque qu’ils représentent, pour mettre en avant une identité plus humaine.
L’utilisation de la technique de la personnalisation incite les lecteurs à intérioriser l’objectif des marques et à s’identifier à leurs community managers, pour en devenir plus productif.
Afin d’éviter cette rupture sociale que pourrait entraîner la compétition entre les entreprises et les individus consommateurs, les marques s’engagent plutôt à démontrer les points communs entre les deux parties, en utilisant l’humour notamment.
Conclusion
La marketing digital se développe avec l’objectif d’adapter les offres à l’«homme connecté». Cette modification du mode de vie tourné vers le numérique implique un ajustement de la part des professionnels. Aujourd’hui, aucune stratégie marketing valable ne peut faire l’impasse du recours aux réseaux sociaux, comme levier de reconnaissance de la marque. L’accessibilité de l’information permet une publicité quasi-constante dans la vie de l’individu.
Nous pouvons alors nous poser la question de l’impact de cette forme invasive de communication sur l’individu, à long terme. Les cibles pourraient-elles éprouver de la lassitude, être trop fortement sensibilisées et donc moins facilement engagées, voire mettre en oeuvre un rejet systématique, face au marketing actuel ?
Si nous pouvons répondre oui à ces questions, il semble préférable d’engager des actions aujourd’hui pour éviter cette éventualité. Il serait alors utile, pour les marques de prendre en compte une des tendances de l’avenir qui consistera pour les individus et consommateurs, en une stratégie de «détox digitale ».
*Définition de la dissonance cognitive :
« La dissonance cognitive correspond à un désaccord entre plusieurs idées, susceptible de générer un conflit (intra-personnel) chez un individu. »
Stéphanie Baggio (2011, 2ème édition). Psychologie sociale. Concepts et expériences. Edition De Boeck Supérieur. (page 45-64).
Sources :
- Le marketing digital et ses formes et ses enjeux pour une consommation interactive et personnalisée avec les consommateurs http://ow.ly/X66ao
- Joule et Beauvois (1998). The psychology of commitment. Experiments liking behavior to belief. New York, Academic Press.
- Quand les CMs de Vélib’ et Autolib créent la plus… | CM Hall of Fame
- Nescafé : « Plus que le ROI, il est préférable de mesurer le Social ROI des médias sociaux » http://ow.ly/XbBr8
- Emmanuel Petit (2011/6. Vol.121). L’apport de la psychologie sociale à l’analyse économique. Edition Dalloz. (page 138).
- Définitions : conformisme – Dictionnaire de français Larousse
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Auteure de ce billet:
Lisa Bricquet
Stagiaire chargée de communication et marketing chez Spotpink pour une durée de 2 mois. Actuellement en Master 1 de Psychologie Sociale Appliquée à l’Université Paris Ouest Nanterre la Défense, je suis particulièrement intéressée par la psychologie de la consommation, le marketing et la publicité. Je suis passionnée de sports et de voyages, les nouvelles rencontres et les découvertes sont très importantes pour moi.
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