Le regret anticipé : un frein dans l’achat de nouvelles technologies ?

L’individu est un être animé par des motivations, des projets et diverses intentions. Au quotidien, entre les rayons d’une grande surface ou face à une offre promotionnelle sur internet, le consommateur est souvent en proie à des pulsions et à des impulsions d’achat. Face à ces différentes tentations, l’individu négocie de plus en plus avec lui-même. Comprendre ce qui se joue en son fort intérieur peut être porteur d’éclairage sur le meilleur moyen de satisfaire ce consommateur, afin qu’il concrétise ses envies par des achats…

Qu’est-ce qui peut amener une personne à choisir une solution plutôt qu’une autre ?

Les processus de décision mis en place au moment de réaliser un achat font l’objet d’études menées depuis plusieurs années déjà, notamment en psychologie sociale, appliquée au domaine du marketing. La psychologie ayant pour but d’étudier le comportement des individus, il existe beaucoup de théories. Cependant, certains chercheurs ont théorisé le concept de regret, anticipé ou pas, comme mode d’explication de certains comportements d’achats.

L’influence du regret

La psychologie sociale définie le regret comme une

« émotion négative que l’on ressent lorsqu’on imagine que notre sort aurait pu être meilleur si on avait fait un autre choix » (N’GBALA, 2014).

Ainsi quand un individu prend une décision, il compare ce qu’il a avec ce qu’il aurait pu avoir. S’il se sent lésé, il sera amené à éprouver du regret. Cette décision étant assez déplaisante, les individus essayent d’éviter autant que possible d’en éprouver.

Il existe deux types de regret, celui lié à une action (un achat) et celui lié à une inaction (une opportunité ratée). La principale différence entre ces deux formes de regret est que le regret lié à une action est plus intense à court terme alors que que celui lié à une inaction est plus intense sur le long terme (GILOVICH et MEVEC, 1994-1995).

Ces deux formes de regret n’ont donc pas la même influence sur les comportements des consommateurs. Emily ROSENZWEIG et Thomas GILOVICH, dans un article intitulé Buyer’s remorse or missed opportunity ? Differential regrets for material and experential purchases (2012), ont mené une série d’expérimentations afin de déterminer les facteurs pouvant expliquer l’apparition de telle ou telle forme de regret. Ils ont ainsi pu démontrer que plus un produit a un aspect « interchangeable », moins les individus éprouveront de regret s’ils venaient à manquer l’occasion de l’acheter et vice-versa.

Ils ont également mis en évidence le fait que les individus ont tendance à prévoir le regret qu’ils pourraient éventuellement éprouver s’ils étaient déçus par leurs achats. 

Le regret anticipé

Le regret peut ainsi être anticipé par les individus. Il se traduit dans ce cas par toutes les questions que se pose une personne, tous les scénarii que son esprit échafaude, avant même que les pertes ne se matérialisent effectivement. Plus une personne estime qu’elle risque de regretter son achat, moins il y a de chances qu’elle l’achète par la suite. Cette théorie n’est pas applicable au domaine du marketing seulement ; même dans la vie de tous les jours nous évaluons, nous pesons le pour et le contre, dans de nombreuses situations. Cependant, c’est d’autant plus vrai dans le cadre de décisions d’achats, où nous évaluons les possibilités qui s’offrent à nous pour obtenir le produit le plus susceptible de nous plaire. Concrètement, cela peut inciter des individus à ressentir de l’insatisfaction, voire à changer de produit.

Des chercheurs de l’université de New-York se sont penchés sur la question et ont réalisé une étude en 2011

Ils ont pu observer qu’outre le prix parfois dissuasif, plus l’écart entre l’appareil que possède le client et ceux qui sont proposés est grand, plus cela accroît le niveau de regret anticipé chez les potentiels acheteurs. Les clients se demandent si cela vaut vraiment le coup d’acheter maintenant ou s’il n’est pas préférable d’attendre encore un peu, pour investir dans un appareil qui soit plus performant à conserver plus longtemps. Ils anticipent ici le regret qu’ils pourraient éprouver si la machine qu’ils ont acheté se faisait rapidement devancée sur le marché par de nouveaux appareils plus performants. Dans ce cas de figure, acheter maintenant paraît peu avantageux ; ils remettent donc à plus tard leurs achats.

A l’inverse, si cet écart est perçu comme peu élevé, ils sont plus enclins à acheter. La raison est que l’écart étant bas, le consommateur ne s’attend pas à d’éventuels changements ultérieurs. Il juge peu probable que de nouvelles technologies fassent rapidement leur apparition. De ce fait, il se sent plus rassuré, plus sûr de son achat, ce qui le conduit à une plus forte probabilité d’acheter.

Comment anticiper et éviter ces comportements ?

Comme vu précédemment, augmenter l’aspect interchangeable d’un produit diminue le niveau de regret anticipé que peut avoir un individu. Cela peut se faire en expliquant clairement les modalités de remboursement ou d’échanges aux potentiels clients. Néanmoins, rendre un produit facilement remplaçable peut aussi lui faire perdre de la valeur aux yeux des acheteurs.

engagement

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L’utilisation de certaines techniques d’engagement est aussi utilisée par certaines entreprises. Dans leur ouvrage le Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens, Robert-Vincent Joule et Jean-Léon Beauvois définissent l’engagement  comme :

« les conditions dans lesquelles la réalisation d’un acte, dans une situation donnée, ne peut être imputable qu’à celui qui l’a réalisé ». 

L’engagement est, ici, dû à des facteurs externes qui influencent le comportement de la personne. Ainsi, de plus en plus de logiciels ou site web proposent des versions d’essai de leurs produits ; le but étant d’engager les individus envers leurs produits et de les fidéliser. C’est un très bon moyen de diminuer le regret anticipé car l’utilisateur va ainsi pouvoir essayer le produit gratuitement et, s’il lui plaît, le fait qu’il soit engagé envers ce produit peut augmenter significativement la probabilité qu’il l’achète par la suite.

Le niveau de responsabilité perçu peut aussi influencer le regret post-achat. Demander à une personne de justifier un achat lui rappelle que c’est elle seule qui a pris la décision. Cela peut avoir des conséquences positives comme la conforter dans son choix si elle est satisfaite de son nouvel appareil, mais cela peut aussi augmenter considérablement le niveau de regret si l’appareil acheté ne convient pas à la personne.

Enfin, il ne faut pas oublier que le regret est une émotion. Comme toutes les émotions, il est donc propre à chaque individu. Les marketeurs et commerciaux doivent garder en tête que l’humeur d’un individu au moment de l’achat peut avoir bien plus d’influence que toutes les publicités ou des arguments du vendeur.

Sources :

  • E .Shih, H. J. Schau. To Justify or Not to Justify: The Role of Anticipated Regret on Consumers’ Decisions to Upgrade Technological Innovations :1 
  • M. Van Putten, M. Zeelenberg, E. Van Dijk. Dealing with missed opportunities : Action vs state orientation moderates inaction inertia : « http://www.sciencedirect.com.faraway.u-paris10.fr/science/article/pii/S0022103109001231 »
  • thil-memoirevivante : « http://bit.ly/1GFP7ug »
  • S. M. Keaveney, F. Huber, A. Herrmann. A model of buyer regret : Selected prepurchase and postpurchase antecedents with consequences for the brand and the channel : « http://www.sciencedirect.com.faraway.u-paris10.fr/science/article/pii/S0148296307001282 »
  • Kiesler
  • R-V. Joule, J-L. Beauvois, Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens

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 Alexandre Pousset
Stagiaire chargé de Communication et Marketing chez SpotPink pour une durée d’1 mois. Actuellement en Master 1 de Psychologie Sociale Appliquée à l’Université Paris Ouest  Nanterre La Défense, je suis très intéressé par les domaines de la publicité, du marketing et de la communication. De nature curieuse, je suis passionné par les nouvelles  technologies et la musique.